La Bande noire à travers le journal satirique "Le Grelot" fin 1882


Le Grelot est journal illustré satirique anti-clérical et républicain (tendance réactionnaire anti-communard) publié de 1871 à 1903.

Il s'est, comme beaucoup d'autres, intéressé aux événements de Montceau-les-Mines en 1882 lors du premier procès des inculpés après l'émeute du 15 août de la même année.

Nulle analyse de fond dans cette prose homéopathique. Juste le regard ricaneur et sûr de lui d'une bourgeoisie républicaine d'Ordre. Les lecteurs de cette feuille de 4 pages, s'ils ne lisaient que cela, ne devaient pas apprendre grand-chose sur la révolte des mineurs Montcelliens ! Mais, mis en rapport avec d'autres connaissances, ce regard est très éclairant sur la condescendance toute bourgeoise dont faisait preuve ces républicains, fussent-ils anti-cléricaux...

Tout commence le 27 août, soit 12 jours après l'émeute du 15 qui a vu la Chapelle du curé Gaulthier attaquée à coups de hache et de dynamite puis brûlée. On peut lire en page 2 un petit billet en deux parties faisant référence à la "chanson du Prolétaire" que les émeutiers ont chantée. Prétexte pour viser les cléricaux vendéens traités de Bande blanche (Voir photos 1 et 2).

Le 1er Octobre 1882, sous le titre « Etude des questions sociales », un dessin d'Alfred Le Petit nous montre deux individus en venant aux mains. La légende nous dit : «  Les possibilistes et les anarchistes se donnent la main sur… la figure ». Nous sommes juste après le congrès du parti ouvrier qui a vu non pas les anarchistes en prise avec les "possibilistes" mais les "guesdistes" s'en aller faire leur propre congrès de leur côté… (voir photo 3 et l'article sur le congrès de 1882 à Saint-Etienne sur ce site).

Puis le 29 octobre 1882, après que le premier procès fut interrompu (officiellement sous les menaces d'attentats), Alfred Le Petit signe le dessin en Une du journal titrant « À Montceau-les-Mines ». On y voit le patron de la compagnie des mines Chagot, en forme de bourse bien garnie estampillée du mot Capital et de la fleur de Lys, proposer du pain à une mère tenant ses enfants décharnés. Le dessin est légendé ainsi : « Agenouille-toi ou crève-la-faim ! Et c'est devant "une Sainte Marie à la coque" dessinée et que tient Chagot que doit se faire la génuflexion exigée par ce patron jésuite. Il faut préciser que de l’œuf sort une sainte vierge en flammes probablement en référence à l'incendie de La Chapelle le jour de la fête de la dîte-vierge (Voir photo 4).

Le 5 novembre, dans l'attente de la « deuxième saison » du procès des émeutiers de Montceau, Alfred Le Petit croque un Gambetta (ancien président du conseil) dont le ventre explose, un œil lui sortant de l'orbite. Souvent malade (il mourra deux mois plus tard), il perdit un œil dans son enfance... On est en pleine période d'explosions un peu partout. La dynamite circule, les montcelliens font des émules d'où le titre : « Nouvel attentat anarchiste ». Le dessin est légendé par « Gambetta dynamisé par son irrigateur » rapport à sa santé fragile et à ses nombreux traitements (voir photo 5).

La dynamite dont on parle beaucoup... Dans ce même numéro du 5 novembre 1882 en page 2, on peut lire plusieurs billets : Le premier pour regretter que le procès ait été ajourné soit-disant sous les menaces d'attentats ce qui risquerait au contraire, d'après l'auteur, de les multiplier. Le deuxième, dans le même registre, dénonce le nouveau décret sur le transport de la dynamite qui provoquerait en retour une inflation de sa fabrication… et un troisième billet renvoie les accusés montcelliens dos à dos avec le « répugnant Chagot » ! Ils ne seraient pas « plus sympathiques que lui… ( voir photo 6).

Puis dans un quatrième billet, toujours dans le numéro daté du 5 novembre 1882 (photos 7 et 8), on a droit cette fois-ci à un peu à un peu plus de texte, ceci pour mieux vilipender l'anarchiste, ce « conspirateur doublé maintenant d'un chimiste » grâce à la dynamite et qui rêve « d’alouettes toutes rôties »… Il est vrai que gratter le charbon des heures durant des centaines de mètres sous terre permet aux alouettes de rôtir toutes seules ! Le groupe anarchiste du hameau minier des Alouettes à Montceau et dont faisait partie Jean Gueslaff (auteur de « l'attentat fatal » en novembre 1884 aux Alouettes justement) a dû apprécier.

 

 

Yves Meunier, 6 décembre 2017

 

Les extraits photos du journal Le Grelot sont repris du site internet de l'université d'Heidelgerg.